Demain dès l’aube je partirai…
Le craquement. Les pas. Ils sont là, nombreux
Demain dès l’aube je partirai…
Devant moi, ils se tiennent, muets. Sauf lui. Le chef. C’est lui qui doit parler. Ne m’a jamais été sympathique celui-là
Demain dès l’aube je partirai…
Je me lève et m’apprête. Puisqu’ils le veulent. On ne va pas finasser. Habillons-nous simplement. La tenue n’est pas essentielle
Demain dès l’aube je partirai…
Et toi, tu me veux quoi ? Va te faire voir ailleurs mon vieux, ça ne m’intéresse pas tes discours. Moi, c’est le vin, les amis, les femmes dont il faut me causer. Le reste..
Demain dès l’aube je partirai…
Putain mais il fait beau là. C’aurait été dommage de ne pas en profiter. Ah, je vois. C’est juste là. Courte promenade alors
Demain dès l’aube je partirai…
J’ai froid. D’un coup. En plein été. Je frissonne. Pas de peur, ça j’en suis certain
Demain dès l’aube je partirai…
J’y suis. Cinq marches. Juste ces cinq marches. Pas évident de les monter. On m’aide. Pas merci. Je ne suis pas pressé d’arriver
Demain dès l’aube je partirai…
Je la vois. Elle est si petite. Etroite. Je l’imaginais massive et plus blanche. Elle est grise. Mais son bord a une teinte rouge qu’aucun nettoyage n’a su effacer.
Demain dès l’aube je partirai…
Je l’imagine glacée, lourde. Pourvu qu’elle le soit suffisamment pour œuvrer sans défaut. Dans quelques secondes elle s’abattra sur mon cou, écrasant mes os, sectionnant ces nerfs et ces tendons qui m’animaient, me tranchant, me retranchant du monde, de la..
Ce jour dès l’aube il est parti…
Merci à Victor Hugo d’avoir utilisé son immense talent pour ouvrir le chemin de la disparition de cette barbarie.
Merci à Robert Badinter pour avoir su y mettre fin. Définitivement.
Définitivement ?
C’était il n’y a pas si longtemps 😦
Oui. Et on le voit bien pour l’avortement, les coups de boutoir des nostalgiques du rasoir national ne baissent pas la garde
L’incipit, forcément m’a attiré.
C’est sans doute au rythme des pas de la première phrase, à la foule des témoins, à la pesanteur générale que très vite j’ai senti le thème. Le reste est un très beau texte, sensible, inquiet.
Quant à la question, je crois que je n’ai d’autre réponse que la question que tu te poses toi même.
Venant de toi, cette appréciation me touche particulièrement. Merci
Très bel écrit.
Il ne tient qu’à nous de faire disparaître le point d’interrogation.